Le rattachement fiscal des enfants de parents séparés ou divorcés en matière d'impôts sur le revenu

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LE RATTACHEMENT FISCAL DES ENFANTS DE PARENTS SEPARES OU DIVORCES EN MATIERE D’IMPÔTS SUR LE REVENU

Lorsque les parents se séparent, la première question concernant l’enfant est celle de son hébergement. Puis, viennent les difficultés liées à la prise en charge financière de cet enfant et la fixation d’éventuelles pensions nécessaires à son entretien et son éducation. Demeure enfin, un autre aspect important, celui de la fiscalité. Sujet technique et souvent mal maîtrisé, le problème du rattachement fiscal est lié, en effet, à l’âge des enfants et au mode de résidence.

Par Maître Natacha JULLIEN-PALLETIER, Avocat, spécialisée en Droit de la Famille

Après un rappel des règles du rattachement fiscal de l’enfant, de la déduction et de l’imposition des pensions alimentaires, sont abordées successivement la question de la spécificité de la résidence alternée et celle de l’enfant majeur.

1 – Le rattachement de l’enfant mineur en matière d’impôts sur le revenu

L’article 194, I du Code Général des Impôts rappelle que l’enfant mineur de parents divorcés ou séparés est rattaché au parent chez lequel il réside à titre principal. Cette résidence principale résulte, soit des termes d’un accord entre les parents, soit d’une convention homologuée, soit d’un jugement fixant les modalités d’hébergement de l’enfant. Cependant, l’autre parent pourrait démontrer qu’il supporte en réalité, à titre exclusif ou principal, les charges d’entretien de l’enfant, tel que notamment les frais de santé, l’habillement, la scolarité, l’éducation, les frais de garde, les loisirs, les vacances, etc. Ceci constituera alors un faisceau d’indices rapportant la preuve que ce parent, qui démontre entretenir à titre principal l’enfant, doit profiter du rattachement fiscal de celui-ci.

Le parent de rattachement bénéficie alors, au titre du quotient familial, d’une demi-part supplémentaire s’il a moins de deux autres personnes à charge, et d’une part supplémentaire s’il a au moins deux autres personnes à charge. Cependant, le premier enfant à charge compte pour une part entière pour le parent de rattachement qui demeure seul, c'est-à-dire qui n’est ni marié, ni pacsé, ni concubin au sens de l’article 515-8 du Code Civil. Il s’agit de la majoration pour parent isolé.

2 – Le traitement fiscal des pensions destinées à l’entretien de l’enfant

Lorsque les parents vivent séparément, celui qui n’a pas la charge principale de l’enfant doit, la plupart du temps, une contribution à l’entretien et à l’éducation de cet enfant, ce qui se concrétise par le versement d’une pension alimentaire.

L’article 156, II 2° du CGI précise que le débiteur de la pension alimentaire peut alors déduire de son revenu imposable cette contribution à l’entretien de l’enfant, pour le montant fixé dans la décision judiciaire, la convention homologuée par le Juge ou à défaut selon l’accord des parties.

En contrepartie le bénéficiaire de la pension alimentaire doit déclarer les sommes reçues dans la catégorie des pensions. Dans un arrêt du 14 octobre 2009 (n° 301709) le Conseil d’Etat a même élargi cette possibilité de déduction aux sommes qui auraient été versées spontanément par un parent pour l’entretien de ses deux enfants mineurs. En l’espèce, le père des deux enfants mineurs avait payé le salaire de la garde d’enfant à domicile employée par leur mère chez laquelle les enfants résidaient. Ainsi, le père a pu déduire des sommes destinées à payer l’employée à domicile et la mère a pu bénéficier de la réduction d’impôts prévue pour l’emploi d’une aide à domicile.

Est également intégralement déductible la revalorisation annuelle relevant d’une clause d’indexation.

En l’absence d’une décision judiciaire, la pension versée est déductible dans la limite d’un montant raisonnable qui dépend alors de la situation financière du parent débiteur.

3- L’incidence de la résidence alternée

Lorsque la résidence est fixée en alternance au domicile de chacun des père et mère, sauf disposition contraire dans la convention homologuée par le Juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l’accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l’un et de l’autre parent. Cet hébergement alterné permet alors un double rattachement fiscal au profit de chacun des parents.

Ainsi, pour chacun d’eux, le quotient familial est majoré de 0,25 part par enfant à charge jusqu’au second inclusivement et de 0,5 part par enfant à compter du troisième. Le parent isolé, c'est-à-dire le parent non marié, non pacsé, et ne vivant pas en concubinage au sens de l’article 515-8 du Code Civil, bénéficie d’une majoration de 0,25 part, par enfant en résidence alternée jusqu’au second inclusivement.

Si le foyer est composé exclusivement d’enfants en résidence alternée, la majoration du quotient familial à laquelle les enfants ouvrent droit, est donc partagée entre l’un et l’autre des parents, chacun d’eux bénéficiant d’un avantage fiscal égal à la moitié de celui qui lui aurait été accordé si les enfants concernés avaient été à sa charge exclusive. Cependant, si le foyer se compose à la fois d’enfant à charge exclusive et d’enfant à charge partagée (cas des familles recomposées), le Code Général des Impôts (article 194, I alinéas 6 à 8) prévoit que le décompte des majorations de quotient familial s’effectue en considérant les enfants à charge exclusive ou principale avec ceux dont la charge est partagée.

Le tableau suivant résume les différentes solutions envisageables :

No Majoration du quotient familial ’
  Parent non isolé Parent isolé : vivant et élevant
seul son ou ses enfants
1 0,25 part 0,5 part soit 0,25
+ 0,25 pour parent isolé
2 0,5 part
0,5 part
1 part soit 0,25 x 2 + 0,25
x 2 pour parent isolé
3 1 part
(0,25 x 2 + 0,5 x 1)
1.5 part soit
0,25 x 2 + 0,5 x 1 + 0,25 x 2
pour parent isolé
4 1.5 part
(0,25 x 2 + 0,5 x 2)
2 part s soit
0,25 x 2 + 0,5 x 2 + 0,25 x 2
pour parent isolé

Cependant, pour permettre ce partage du rattachement fiscal, il est nécessaire que la résidence alternée prévue par une convention homologuée, par un jugement ou par un accord entre les parents, résulte d’une réelle situation de partage de la résidence de l’enfant. Elle doit également supposer certaines régularités dans cette alternance. Ainsi, l’alternance est caractérisée lorsque les parents ont la charge de l’enfant pendant des périodes et des durées similaires (nombre de mois, périodes de vacances et de scolarité). Néanmoins, l’Administration Fiscale considère qu’une répartition inégale de la durée de résidence de l’enfant au domicile de chacun des parents, ne fait pas obstacle à l’existence d’une résidence alternée, dès lors qu’elle peut être justifiée et qu’elle n’est pas trop significative.

Il est important de noter qu’en cas de double rattachement fiscal dû à une résidence alternée, aucune pension alimentaire n’est déductible pour les parents d’enfants mineurs en raison du non cumul de la règle du rattachement et de la déductibilité des pensions alimentaires versées aux enfants. En contrepartie, l’éventuelle pension alimentaire versée n’est pas imposable (article 80 du CGI). En effet, la résidence alternée ne signifie pas forcément absence de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. L’un des parents peut être susceptible de verser une pension, y compris lorsque le couple séparé a choisi de partager l’hébergement des enfants. La suppression de toute pension pour l’entretien et l’éducation des enfants n’est envisageable que si les parents ont des revenus comparables ou à peu près similaires. En pratique, il est donc nécessaire de déterminer la solution la plus avantageuse pour le débiteur de la pension alimentaire, entre le choix du double rattachement fiscal ou le choix du rattachement fiscal exclusivement au parents créancier de la pension et donc de la déductibilité de cette pension par le parent débiteur. En effet, parfois le fait de pouvoir déduire le montant de la pension de son revenu brut global est plus avantageux que de pouvoir bénéficier d’une majoration de son quotient familial par l’effet du double rattachement fiscal.

Enfin, il convient de préciser qu’en cas de résidence alternée, les revenus éventuellement perçus par les enfants sont présumés compris à concurrence de moitié dans le revenu imposable de l’un et l’autre des parents.

4- La spécificité de l’enfant majeur

En principe, l’enfant majeur doit établir sa propre déclaration d’impôts sur les revenus (article 6, 3 du CGI). Mais il est possible de rattacher cet enfant majeur au foyer de l’un -4- de ses parents sans condition jusqu’à 21 ans et jusqu’à 25 ans s’il poursuit des études (article 196 B du CGI). Ce rattachement fiscal doit être formalisé par une demande de l’enfant et, si l’enfant a plus de 21 ans, il conviendra de justifier d’un certificat de scolarité.

Le parent qui n’a pas la garde de l’enfant peut déduire de son revenu imposable la pension alimentaire versée à son enfant majeur dans le besoin (dans la limite d’un plafond fixé par l’article 156, II, 2° du CGI).

En revanche, en cas de résidence alternée, il ne peut pas y avoir de double rattachement fiscal de l’enfant majeur. Il doit choisir entre l’absence de rattachement ou le rattachement exclusif à l’un de ses parents. Les revenus de l’enfant majeur sont alors à porter sur la déclaration du parent de rattachement. Ce dernier bénéficie, au titre du quotient familial, d’une demi-part supplémentaire s’il a moins de deux autres personnes à charge et d’une part supplémentaire s’il a au moins deux autres personnes à charge, et s’il vit seul, d’une majoration d’une demi-part.

Si l’enfant majeur fait le choix d’établir sa propre déclaration de revenus, il doit déclarer les éventuelles pensions alimentaires versées par l’un de ses parents ou les deux, dans la limite déductible pour chaque parent. Le ou les parents de l’enfant majeur non rattaché peuvent alors déduire de leurs revenus imposables, les pensions alimentaires versées. Cette déduction est plafonnée dans les mêmes termes qu’en cas de rattachement à l’autre parent.

En définitive, le problème fiscal du rattachement des enfants impose une analyse spécifique propre à chaque cas de séparation ou de divorce.

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Article publié le 29 OCT 2021 à 09h11 dans la catégorie « Presse ».