Le sort de l'animal de compagnie et la rupture du couple

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Le sort de l'animal de compagnie et la rupture du couple

Selon le Code Civil, l’animal est considéré comme une chose ! Or il est évident que l’animal de compagnie au sein d’une famille ne représente pas une chose tout à fait comme les autres. En effet, il peut devenir l’objet d’âpres discussions et de querelles à l’occasion d’une séparation.

Par Maître Natacha JULLIEN-PALLETIER, Avocat spécialiste en Droit de la Famille.

En France, le Code Civil considère que l’animal n’est pas une personne mais une chose. C’est ainsi que l’animal est classé parmi les « meubles par leur nature ». Autrefois animal-utilité, attaché au travail de l’homme, aujourd’hui il est devenu animal-agrément, « animal de compagnie ». Ce dernier est choyé, aimé et dorloté par la famille dont il est la propriété. Un véritable lien d’affection existe désormais entre lui et ses maîtres. Aussi, en cas de rupture du couple, le sort de l’animal de compagnie peut devenir source de conflit.

Le sort de l’animal pendant la procédure de séparation :

La question se pose de savoir, pendant l’instance en divorce, à quel époux l’animal présent au domicile conjugal, doit être remis. L’article 528 du Code Civil assimile l’animal à un « bien meuble par nature ». En conséquence, son sort est déterminé par les deux règles suivantes :

En premier lieu, si l’un des époux détient sur l’animal un droit de propriété exclusif, ce dernier lui reviendra immédiatement, y compris pendant la procédure de divorce, peu importe l’éventuel lien affectif unissant l’animal à l’autre conjoint ; en second lieu, si les deux époux sont propriétaires de l’animal, l’un deux aura alors la possibilité d’en solliciter la jouissance pendant la procédure de séparation par application de l’article 255-8° du Code Civil ; et ce en attendant son attribution définitive, laquelle ne pourra se faire qu’une fois le divorce prononcé. Au cours de cette phase de procédure, le Juge apprécie alors les éléments de fait qui lui sont soumis. Si les deux époux sollicitent la jouissance de l’animal, le Juge peut prendre en considération « le bien-être de l’animal ». Ainsi dans un arrêt rendu le 13 janvier 2011, la Cour d’Appel de VERSAILLES a attribué au mari la jouissance du chien, au motif que « les conditions actuelles de vie du mari, qui habite une maison disposant d’un jardin, sont davantage conformes aux besoins de cet animal ». Le Juge peut également fonder sa décision sur l’existence d’un lien affectif entre l’animal et le conjoint demandeur. La Cour d’Appel de DIJON a ainsi rendu un arrêt le 29 janvier 2010, considérant que « le chien revêtant une importance affective particulière pour les deux enfants ainsi que l’ont révélé leur audition et également l’expertise psychologique, c’est à juste titre que le premier Juge a attribué la jouissance provisoire de l’animal au père chez lequel les enfants résident ». La Cour d’Appel de DOUAI, dans un arrêt du 27 novembre 2003, décidait quant à elle d’attribuer, pendant l’instance en divorce, la jouissance du logement conjugal aux deux époux, en soulignant que leur chien « pourrait ainsi, allant de l’un à l’autre, répondre à l’égale affection de ses deux maîtres ». Certains Magistrats ont même fixé la jouissance principale de l’animal auprès d’un des deux conjoints et accordé un droit de visite et d’hébergement à l’autre, en considération de l’affection des deux maîtres sur leur animal ; et ce en utilisant les règles sur l’hébergement relatives aux enfants. Pour d’autres juridictions, il est inadmissible et déplacé d’assimiler un animal de compagnie à un enfant. Elles considèrent qu’il est malvenu de vouloir chercher des solutions juridiques là où le Code Civil est on ne peut plus clair en indiquant que les animaux demeurent juridiquement des « meubles » et doivent être traités comme tels ! La majorité des juridictions s’inscrit dans ce dernier courant et applique aux animaux de compagnie le régime austère des meubles par nature.

En fin de procédure de nouvelles difficultés apparaissent ; il s’agit alors d’attribuer définitivement l’animal à l’un ou à l’autre des membres du couple.

Le sort de l’animal après la séparation :

Le point de départ de la réflexion est la même, c'est-à-dire que l’animal de compagnie est un bien meuble par nature. En conséquence il faut lui appliquer le régime des biens pour connaître le sort qui lui est définitivement réservé après la séparation du couple. Ainsi, dans le cadre d’un concubinage, l’animal sera attribué à celui des concubins qui détient sur lui un droit de propriété exclusif, ce qu’il convient de prouver par tout moyen (nom figurant sur la facture, attestation du vendeur de l’animal, etc.). Si l’animal a été acquis conjointement par les deux concubins, il est considéré alors comme un bien indivis dont le partage pourra être demandé par chacun d’eux à n’importe quel moment. Une procédure de partage judiciaire sera alors nécessaire si aucun accord amiable n’est trouvé. Partage ne signifiant pas « partager en deux ! » le Juge décidera de l’attribuer à l’un des deux. Dans le cadre d’un Pacte Civil de Solidarité conclu sous le régime légal de la séparation de biens, l’animal reviendra à celui des partenaires du PACS pouvant justifier sur lui d’une propriété exclusive. Si cette preuve n’est pas rapportée, l’animal sera réputé indivis entre les deux partenaires du PACS et se verra appliquer le régime classique de l’indivision. Lorsque le pacte civil de solidarité aura été conclu sous le régime conventionnel de l’indivision, une nouvelle distinction doit être faite : si l’animal a été acquis par l’un des partenaires avant l’enregistrement du PACS, il en reste seul propriétaire. En revanche, si l’animal a été acquis par l’un des partenaires du PACS après la conclusion de celui-ci, il tombera dans l’indivision : pour en sortir, une décision de partage judiciaire s’imposera. Enfin, dans le cadre d’un mariage, il convient d’appliquer les règles du régime matrimonial choisi par les époux. Si l’animal est un bien propre ou personnel de l’un des époux, il lui sera nécessairement attribué. En revanche, s’il est un bien commun ou indivis, il appartiendra à la personne chargée de la liquidation du régime matrimonial, d’attribuer l’animal à l’un ou l’autre des époux selon les règles du partage, étant précisé qu’aucun texte ne prévoit l’attribution préférentielle de l’animal. Toutes ces solutions prennent en considération l’animal en sa seule qualité de bien meuble. Les liens d’affection que ce dernier peut avoir tissés avec tel membre du couple demeurent alors étrangers au droit, e que certains regrettent. Dernière question : celui qui n’obtient pas l’animal peut-il être indemnisé de la perte de celui-ci ? L’article 1382 du Code Civil pourrait alors être utilisé. Cette disposition suppose cependant qu’une faute soit démontrée ; laquelle est introuvable lorsque le préjudice invoqué n’est que le résultat de l’application technique des règles de propriétés posées par le Code Civil. Ainsi, celui qui n’obtient pas la propriété de l’animal ne peut donc être indemnisée de la perte de celui-ci.

En définitive, l’attachement qu’une personne peut marquer à l’égard de l’animal de compagnie, n’entre pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer son attribution. Sauf à extraire les animaux de la catégorie des biens meubles et leur créer un nouveau statut qui prendrait en considération, non seulement leur valeur vénale, mais également leur valeur affective.

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Article publié le 29 OCT 2021 à 09h17 dans la catégorie « Presse ».